lundi 12 décembre 2005

À côté de la coche

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours rechigné devant le travail imposé. Déjà dans mon enfance, je me cabrais comme un cheval sur le point de ruer dès qu’il s’agissait de faire quelque chose que d’autres avaient décidé qu’il fallait que je fasse. Que ce soit « pour mon bien », parce qu’ « il le fallait », parce que c’était « comme ça » ou que « tous les autres le faisaient », une guerre violente se déclenchait en moi à tous coups. Évidemment, menaces, chantage et considérations raisonnables finissaient souvent par me faire plier l’échine et je me conformais alors aux exigences de l’autorité. Mais avais-je la chance d’outrepasser ces exigences, que je me vautrais dans ma liberté qui n’en devenait que meilleure parce que volée aux « il faut » de ce monde. Les obligations se métamorphosaient ainsi en des moments de pure souveraineté : mon « heure et demi d’étude obligatoire », de 18h30 à 20h00 les soirs de semaine, se transformait en finales de la LNH où les buts se comptaient en lançant des dés, ou en entraînement intensif de tir au poignet contre… un élastique ! La messe dominicale devenait un temps béni où je triais mes nouvelles cartes de hockey en mâchant la gomme baloune rose poudrée dont j’ai encore le souvenir olfactif. Ma collecte de journaux hebdomadaire prenait des allures de conseil de bande quand mes amis me rejoignaient pour fumer clopes sur clopes… Avec le temps, cette fuite de l’imprécation du verbe falloir n’a guère changé. Le plaisir intense que je puise dans chaque geste qui me permet de déroger à la bienséance bourgeoise, aux convenances crasses, aux usages éculés, aux protocoles conformistes, bref à tout ce qui procède de l’habitude paresseuse et de l’autorité passéiste, me plonge encore aujourd’hui dans les délices rabelaisiens du petit garçon que je fus.

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