lundi 30 janvier 2006

"Une balle dans la tête et la facture de la balle à la famille"

Tombé par hasard ce matin sur un animateur du FM 93, émule dilué de l’autre béotien qui reprendra bientôt du micro. Le sujet : la peine de mort. Le débat tourne autour d’un individu malade qui a assassiné une jeune femme à coups de pelle et qui, relâché après neuf ans de prison, poignarde une autre victime.. La solution proposée : la peine de mort. Les arguments : les coûts d’emprisonnement, la légèreté des peines et la rapidité des remises en liberté conditionnelle qui mènent parfois à ce genre de cas de récidive pathétique et sinistre. Rien de bien nouveau et il y a du vrai là-dedans. Mais jamais on ne parle de ce qui peut nuire à la réintégration, empêcher la prise de conscience et le repentir sincère. Jamais on n’effleure les conditions sociales qui mènent un homme à tuer une femme à coups de pelle. Jamais on n’aborde la violence et la barbarie du milieu carcéral comme hypothèse expliquant la récidive. Mettre un loup parmi les ogres en pensant qu’il deviendra un chien fidèle tient de la pensée magique. Et on propose d’abattre le loup. Un auditeur appelle et suggère ceci : la peine de mort, mais pas comme au States où les frais relatifs aux exécutions sont élevés. Optons pour la solution chinoise : une balle dans la tête et la facture de la balle à la famille… Jusque-là, rien de bien nouveau : la preuve de l’inconscience des hommes n’est plus à faire. Mais les animateurs ne rétorquent rien à cet extrémiste malavisé, si ce n’est qu'en disant que c’est une solution qui a ses avantages… Que quelqu’un me pince, s.v.p. ! Suis-je bien au Québec en 2006 ? Tant qu'à y être : pourquoi gaspiller une balle ? Utilisons les roches qui sont gratuites ! Finançons les hôpitaux avec le prix des billets vendus pour assister aux éxécutions publiques ! Le pire, c'est que cette attitude ne me surprend pas outre mesure : je remarque, depuis quelques années, des indices évidents d’une dangereuse mentalité maximaliste qui s’installe peu à peu en Amérique : intolérance institutionnalisée, moralisme médiatisé, fanatisme banalisé, intégrisme trivialisé, absolutisme plébéien… J’ai rêvé pour mes enfants d’un monde de tolérance, d’humanité et de justice qui se teinte lentement de couleurs morales diamétralement opposées. Certains me rétorqueront que si c’était mon enfant qui était victime d’un criminel, je dirais autre chose. Ils ont absolument raison, et je le dis sans gêne : si quelqu’un faisait du mal à mes proches, je serais sans doute beaucoup plus dangereux que ceux que j’ai entendu s’exprimer sur le sujet. Mais la rage n’est pas logique, ni la vengeance justice. Si je ne suis pas victime (et Dieu merci je ne le suis pas), je sais qu’on ne lave pas du sang avec du sang et que plus de violence ne me ramènera pas l’être cher qu’on m’aurait volé injustement. Enfin, je suis conscient (à froid toujours) qu’en me vengeant furieusement, je porterais à mon tour le masque de l’horreur et de l’agressivité. C’est pourquoi je suis pour un système judiciaire qui, sans être parfait, a heureusement fait disparaître les pendaisons publiques, les bûchers et les duels et qui contribue à diminuer les vendettas, les représailles et les vengeances aveuglées par la colère. Je favorise aussi un contrat social qui m’empêcherait de devenir un monstre si la situation me l’imposait viscéralement. En contrepartie, j'exige des lois qui protègent contre les fous et les loups. Mais je ne serais pas fier de dire à mes enfants que, pour les protéger, la seule solution que la société où ils vivent ait trouvée est d’assassiner légalement des humains gravement malades. Et j’aurais honte de dire que j’approuve cette barbarie.

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