samedi 10 juin 2006

Table rase

« La table rase est nécessaire, il faut en finir avec l’aliénation des corps et des sens nécessaire au capitalisme qui absorbe, comme un Léviathan, l’énergie des hommes dans le travail, pour en faire des sujets dociles, des objets soumis au principe de réalité et aux valeurs du monde industriel. Le capitalisme veut un Homme Unidimensionnel, castré, abdiquant ses désirs propres au profit des leurres lancés par le social et qu’il finira par faire siens au point de croire, sommet de l’illusion, qu’il est à l’origine des désirs qui sont siens quand il ne fait qu’obéir à la plus vaste des entreprises de mise en conditionnement qui soit. Les désirs humains sont pervertis, massacrés, détruits. À la place des pulsions naturelles, on greffe dans l’âme de l’homme unidimensionnel une volonté d’adéquation aux modèles sociaux : on ne désire plus librement, mais on veut ce que le social nous montre comme, apparemment, le seul désirable possible. L’aliénation est à son comble, on veut le désir qu’on nous suggère en abandonnant ceux qui nous sont propres : le principe de plaisir est tout entier asservi, à l’aide des techniques dans lesquelles le capitalisme excelle — système médiatique et société du spectacle —, au principe de réalité. Il s’agit de faire désirer ce qui est utile d’être désiré pour le social — les marchandises, les biens de consommation, par exemple. De fausses idoles sont promues idéaux et l’on invite à un hédonisme vulgaire qui détourne de l’hédonisme authentique : on aime avoir quand il s’agirait d’être, on veut accumuler, posséder, consommer quand il faudrait jubiler, aimer, jouir. » Michel Onfray, L'art de jouir

Aucun commentaire:

Publier un commentaire