lundi 16 mars 2009

Croire ou ne pas croire

Pour défendre le point de vue des athées et des agnostiques, l’Association humaniste du Québec a lancé une campagne avec ce slogan, que certains autobus de la STM affichent sur leur flanc : Dieu n’existe probablement pas. Alors, cessez de vous inquiéter et profitez de la vie. On a vu ça et là quelques personnes s’en offusquer. D’aucuns, au contraire, voient la chose d’un bon œil. Le débat engendré par cette malhabile manœuvre est inutile. Le néo-nihiliste contemporain y trouve évidemment son compte et applaudit ce nouveau spectacle qui soulage son ennui, mais l’affirmation n’en est pas moins intrinsèquement inepte. Elle sous-entend qu’en réglant la question de l’existence de Dieu une fois pour toutes, nous pourrions cesser de nous faire du souci et profiter de la vie. Ha ! Oui ? Est-ce à dire que l’absence de Dieu va payer les comptes, permettre d’échapper aux désirs et aux peurs ou empêcher le vieillissement, la maladie, la mort ? C’est, il me semble, escompter beaucoup du néant. De leur côté, les croyants se vexent et disent, comme Martin Généreux dans Le Devoir du 16 mars 2009, que « Dieu existe. Alors, cessez de vous inquiéter et profitez de la vie ». C’est ce qu’on prêche dans à peu près tous les pays du monde depuis toujours, mais l’histoire des religions – c’est-à-dire de l’humanité en général – prouve au contraire que l’inquiétude et la peur croissent souvent avec l’usage... Que Dieu existe ou non, il y a toujours eu et il y aura toujours des petits maîtres pour gâcher l’existence du plus grand nombre. Ce Dieu qu’on a vendu partout n’a jamais rien fait pour empêcher les autorités, religieuses ou politiques, de ruiner la face du monde. Par ailleurs, on se demande de quel droit on pourrait nier l’incroyance et dénoncer ses inévitables manifestations. Ne prône-t-on pas l’existence de Dieu depuis des siècles en le publicisant avec des sabres, des menaces, des bûchers, de la torture, des actes terroristes en tous genres ? Et on s’offusquerait parce que quelques panneaux publicitaires affirment que Dieu n’existe pas ? En fait, ils n’osent même pas l’affirmer, le probablement venant court-circuiter le potentiel de l’énoncé. S’ils avaient vraiment eu le courage de leur croyance – car croire que Dieu n’existe pas est aussi croire –, ils auraient écrit : « Dieu n’existe pas. Faites ce que vous voulez ou pouvez, comme depuis toujours ». Mais l’usage de la liberté n’est pas facile pour tous, surtout quand l’imaginaire collectif est imprégné d’extrémistes de tout acabit, ces suppôts de Dieu qui ont laissé et laissent encore tant de sang dans leur sillage. Quant à moi, je ne sais pas s’il existe un dieu. Je n’ai ni la certitude du charbonnier, ni la conviction de l’athée, car je crois avec Nietzsche que « les convictions sont des prisons ». En outre, que Dieu existe ou non, la question du sens de l’existence demeure, avec sa beauté et sa laideur. Cela dit, il m’arrive parfois d’envier ceux qui ont la force ou la faiblesse de croire en une existence supérieure ou de la nier totalement. Cela m’arrangerait, comme cela les arrange sans doute, consciemment ou non. C’est le pari mercantile de Pascal, mais à ce que l’on en sait, rien ne prouve à ce jour qu’il l’ait gagné ou perdu. Je préfère ne pas parier et vivre en libre penseur dans le risque d’une vérité angoissante plutôt que de me poser en croyant dans le risque d’un mensonge sécurisant.

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