dimanche 1 mars 2009

Les limites essentielles

J’ai récemment eu une conversation au sujet des limites que l’on devrait a priori imposer aux enfants. Mes interlocuteurs étaient d’accord avec le discours que l’on entend beaucoup, à savoir que « les limites sont essentielles », qu’ « un enfant à qui l’on ne pose pas de limites finit toujours par en chercher », que « les limites sécurisent l’enfant », etc. Pour ma part, je réfute de la même façon et avec autant de force que lorsque l'on me parle de « guerres justes » . Je n'y peux rien, je suis par nature et depuis l'enfance même du côté où il y a le moins de rigidité, au risque de sombrer dans le vide. C'est plus fort que moi : il suffit de me parler ne serait-ce qu'indirectement de fermeté sous toutes ses formes pour que je me braque comme un loup qui aperçoit de loin l'enclos des chiens. Je précise qu'il n'y a pas là une proposition de façon de mieux vivre et la preuve en est que cette attitude incontrôlable m'a apporté mon lot de désagréments, tant au niveau personnel que professionnel. Cela dit, si par « limites » on entend de ne pas laisser son bambin de quatre ans traverser la rue seul, ce n’est pas même la peine d’en parler. Mais je ne crois pas que ce soit essentiellement de ça dont il est question quand on aborde ce sujet dans les livres de psycho-pop moderne, où le dernier psychologue-animateur-de-radio-télé y va de sa grande théorie sur tout et rien. Je pense plutôt qu'il est ici question d’imposer et non d’encadrer, d’autorité et non de sécurité, enfin, d’orgueil et non d’éducation. Je me demande aussi si ces supposées limites essentielles ne sont pas tout simplement des projections de ces mêmes limites qui nous ont été imposées étant enfants, et que l’on a intériorisées si bien et si profondément qu’il nous est désormais impossible de les voir pour ce qu’elles sont : des limites, des limitations, c’est-à-dire des points d’arrêt. Il y a quelque chose dans ce discours qui me dérange, car je ne peux m’empêcher de voir les limites intériorisées chez les autres mais surtout en moi-même. Presque tout le temps. Ainsi, je me demande si tous les rebelles sont des humains à qui l’on n’a pas imposé assez de limites dans leur jeunesse ? Tristement, ce que je vois surtout ce sont des individus qui ont appris à obéir, à bien servir, à connaître mieux que quoi que ce soit d’autre ce qu’ils ont le droit de faire et surtout ce qui leur est interdit. Je vois des gens qui ont très bien saisi dans leur enfance le sens du mot « limite » et qui, en arrivant sur les rives du monde des adultes, sont devenus des spécialistes de ce mot. Comprenez-vous pourquoi je me cabre ?

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