jeudi 19 mai 2011

Le langage des maîtres

Je me demande souvent pourquoi tant de gens défendent aujourd’hui le discours qui fait de l’économie l’argument principal d'à peu près tous les sujets. Législation ? « Ça coûte combien ? ». Culture ? « Ça rapporte quoi ? ». Éducation ? « C’est payant ? ». Sécurité publique ? « C’est rentable ? ». Santé ? « On privatise ? »

Essayez pour voir : lancez un sujet, n’importe quel, et vous aurez toujours un boutiquier pour vous servir un discours de caisse populaire. L’argument majeur, c’est l’état des finances du pays. À ça, vous n’avez pas le droit de répondre. C’est l’assertion finale, sans appel, qui rappelle celui de la Dame de Cœur dans Alice au pays des merveilles : « Qu’on leur coupe la tête ! ».

Mais, dites-vous, ces avions de guerre F-35 qui coûteront (au moins !) 16 milliards ? Mais, murmurez-vous timidement, les 50 millions dépensés pour ces vaccins contre un virus quasi inexistant ? Mais, chuchotez-vous piteusement, ces subventions annuelles d'un ou deux milliards aux pétrolières qui font déjà des revenus de quelques milliards de dollars par années ? La réponse : « C’est d’emplois dont vous parlez, de gens qui sont partis de rien pour devenir des big boss, comme je le désire tant. Le problème n’est pas là. Le vrai problème, ce sont les pauvres, les artistes, les étudiants, les fonctionnaires et les criminels. Les lâches, quoi ! Toute cette gang-là. Des nuisances. Qu’on leur coupe la tête et nos problèmes vont se régler, vous allez voir. »

Que répondre à ces grenouilles qui rêvent de mugir ? Que dire à ces demi-éduqués qui raisonnent à coups de zéros ? Comment argumenter contre des opinions qui tiennent plus de la foi et des ondes radio que de la réflexion ?

Aujourd’hui, lisant Charles Dantzig, j’ai trouvé un début de réponse : « D’une certaine façon, toute société parle comme sa classe dominante. »

1 commentaire:

  1. "ces demi-éduqués qui raisonnent à coups de zéros" Elle est bien bonne !

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