jeudi 25 août 2011

À l'urgence


  • Je viens de passer deux jours à l’urgence. Finalement, rien de grave. Mais j’ai entendu là une triste chorale d’enfants, la plupart âgés de plus de soixante-dix ans, qui appelaient leur mère à voix haute ou par le silence de leur souffrance.

  • Dans un lit d’hôpital, la dignité s’envole peu à peu sous les piqures, les prises de température rectale, la douleur. J’ai pensé maintes fois à ce passage des Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar : « Je suis descendu ce matin chez mon médecin Hermogène, qui vient de rentrer à la Villa après un assez long voyage en Asie. L’examen devait se faire à jeun : nous avions pris rendez-vous pour les premières heures de la matinée. Je me suis couché sur un lit après m’être dépouillé de mon manteau et de ma tunique. […] Disons seulement que j’ai toussé, respiré, et retenu mon souffle selon les indications d’Hermogène […]. Il est difficile de rester empereur en présence d’un médecin, et difficile aussi de garder sa qualité d’homme. L’œil du praticien ne voyait en moi qu’un monceau d’humeurs, triste amalgame de lymphe et de sang. Ce matin, l’idée m’est venue pour la première fois que mon corps, ce fidèle compagnon, cet ami plus sûr, mieux connu de moi que mon âme, n’est qu’un monstre sournois qui finira par dévorer son maître. »

  • Le goût exquis d’un bout de pain et d’une gorgée d’eau, quand on est à jeun depuis près de dix-neuf heures.

  • Stupéfaction en constatant que les espaces où l’on place des lits dans le corridor sont maintenant identifiés comme des chambres. J’avais la C16.

  • J’ai contenu ma tristesse en voyant cette octogénaire qui avançait dans le passage en tenant son support à soluté comme une canne, la jaquette bleue mal attachée et béante dans le dos, la culotte presque à mi-cuisse sur un côté... On aurait dit une enfant de deux ans abandonnée.

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