samedi 8 décembre 2012

Collabos, journalistes à gages et courtisans

On n'en parle déjà plus. C'est la norme journalistique de passer vite sur les nouvelles. Il faut suivre la capacité de concentration du lecteur de quotidiens, qui n'en a guère, habitué d'avoir l'essentiel en 160 caractères.

Le 22 novembre dernier, Jean Barbe a été congédié par le Journal de Montréal où il tenait un blogue depuis février 2012. Pourquoi ? Officiellement, c'est pour avoir fait une comparaison entre ses collègues et « ces prisonniers dans les camps de la mort qui acceptaient, pour un peu de viande, de faire la police auprès des leurs ». Intrépide, Barbe est allé jusqu'à les nommer : Richard Martineau, Christian Dufour, André Pratte et Alain Dubuc.


On a dit qu'il dérapait et qu'il venait d'obtenir son point Godwin, c'est-à-dire que son argument renforçait la théorie selon laquelle « plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d'y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s'approche de 1 ». Énoncée en 1990 par Mike Godwin, cette théorie n'est pas nouvelle. Dans les années 50, le philosophe allemand Léo Strauss inventait la locution latine Reductio ad Hitlerum pour parler du procédé qui consiste à comparer un adversaire à Hitler pour le discréditer.

S'il est vrai que comparer un interlocuteur adverse à Hitler fait montre de peu d'inventivité, il n'en demeure pas moins qu'il faut parfois appeler un chat un chat, ou plutôt devrais-je dire un chien un chien.



Barbe a sans doute été malhabile, et qui connait son grand talent littéraire sait bien qu'il aurait pu faire mieux, et plus subtilement. Cependant, sa comparaison reflétait tout de même une certaine réalité : les nommés chroniqueurs collaborent effectivement avec les ploutocrates qui les paient grassement pour tenir le discours qu'il faut. Conscient de cette propagande salariée, Pierre Falardeau faisait souvent référence à La Presse comme à « la putain de la rue Saint-Jacques », reprenant à son compte l'expression consacrée du journaliste Olivar Asselin.

On peut désormais élargir le champ comparatif en parlant de la « putain de la rue Saint-Jacques » et de la « putain de la rue Frontenac », mais aussi de proxénètes, de journalistes à gages et de courtisans. Si l'on considère qu'un proxénète est quelqu'un qui tire ses revenus de la prostitution d'autrui, on peut certes, par analogie, dire que Péladeau et Desmarais sont des proxénètes. Quant à leurs sbires, si l'on ne peut dire qu'ils collaborent à un régime capitaliste sauvage sans obtenir un point Godwin, on peut certainement affirmer qu'ils sont payés pour tenir un certain discours. Comment expliquer, sinon, que le discours soit toujours le même, en chronique, en reportage, en étude, en statistiques, en blogue, en caricature, en éditorial ? Quelqu'un tient les rênes, c'est une évidence, et le troupeau écrit au pas.

Si ce discours formaté en haut correspond à leurs idées propres, ce sont des journalistes à gages.
Si ces propos en poudre vont à l'encontre de leurs valeurs, ce sont des courtisans.

Dans les deux cas, le boulot est sale et pue l'opportunisme et la soumission, deux attributs que n'a pas Jean Barbe et qui, de toute évidence, sont essentiels pour travailler au Journal de Montréal.

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