lundi 30 janvier 2017

Trois amalgames suite à la tuerie à Québec

Le terme « amalgame » est devenu un cliché, si bien que l’utiliser ajoute au galvaudage du commun. Mais fort est de constater en ce lendemain sombre que trop de gens manquent de recul et de bien d’autres choses pour l’éviter. Voici les cocktails lancés un peu partout que je dénonce pour la paix et le bon sens :


« La charte québécoise est en partie responsable de cette tuerie. »

Il faudra m’expliquer comment une charte pour la laïcité de l’État, c’est-à-dire pour que la religion et l’état soient étanchent l’un envers l’autre, pourrait de quelque façon que ce soit encourager le meurtre d’innocents. On peut très bien souhaiter que l’État extirpe tout le religieux de son système sans pour autant vouloir du mal à qui que ce soit. La charte, à ce que je sache, n’a jamais parlé de contrôler ce que les Québécois font chez eux, dans la rue ou dans leur lieu de culte. La charte n'était pas violente et ne prônait la violence d'aucune manière.


« Les animateurs des radios de Québec et certains commentateurs médiatiques ont du sang sur les mains. »

Trouver un coupable est facile. On pointe du doigt et on guillotine. Il est plus difficile de réfléchir d’un point de vue global et de chercher des solutions au basculement d’un monde. Personnellement, je méprise ces radios d'opinion et les commentateurs-agitateurs, mais dire que Duhaime, Martineau ou tout autre animateur intempestif doivent porter une part du blâme pour cette tuerie est aussi ridicule que de prétendre que le loup est entré dans la bergerie parce que la clôture n’était pas fraîchement peinturée. C’est une simplification naïve qui prend l’effet pour la cause. Un enragé ne tue pas de sang-froid parce qu’un inconscient ne mesure pas la portée de ses propos. Qu’il y ait des racistes que certains propos confortent dans leur répugnante conception, on ne peut le nier, mais cela n’en fait pas des meurtriers pour autant.


« Les Québécois, et particulièrement ceux de Québec, doivent dénoncer cet attentat pour se soustraire à toute affiliation, comme on demande souvent aux musulmans de le faire quand survient un attentat islamiste. »


Personnellement, je n’ai jamais attendu qu’un musulman dénonce un attentat islamiste pour se « laver de tout soupçon ». Devant l’horreur, j’attends plutôt que tout le monde soit dégoûté par un acte dégoûtant. Mais je peux comprendre que si des gens commettent l’horreur au nom de quelque chose qui m’est cher, j’ai envie de crier que ce qui m’est cher n’a rien à voir avec le geste commis. Si j’étais musulman, je serais en colère lors d’un attentat islamiste, comme beaucoup d’anglophones l’ont été quand Henry Bain a crié « les Anglais se réveillent » après avoir déchaîné sa démente barbarie. Ainsi, si un Québécois usait de violence sur quiconque en criant « Vive le Québec libre ! », je me dissocierais aussitôt de ce nationalisme brutal et nauséabond, contraire à tout ce qui m’est cher. Mais ici, l’odieux n’a pas été commis au nom d’une idée ou d’une religion à laquelle j’adhère. Comme à peu près tous les gens de Québec, je n’ai absolument rien à voir avec cette violence et je la dénonce de tout mon cœur, mais je ne sens pas le besoin de me soustraire à quoi que ce soit, car le seul lien que j’ai avec ce meurtrier, c’est d’être québécois, comme ceux qui ont été lâchement assassinés ou blessés.

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