Le terme « amalgame » est devenu un cliché, si
bien que l’utiliser ajoute au galvaudage du commun. Mais fort est de constater
en ce lendemain sombre que trop de gens manquent de recul et de bien d’autres
choses pour l’éviter. Voici les cocktails lancés un peu partout que je dénonce
pour la paix et le bon sens :
« La charte québécoise
est en partie responsable de cette tuerie. »
Il faudra m’expliquer comment une charte pour la laïcité de
l’État, c’est-à-dire pour que la religion et l’état soient étanchent l’un
envers l’autre, pourrait de quelque façon que ce soit encourager le meurtre d’innocents.
On peut très bien souhaiter que l’État extirpe tout le religieux de son système
sans pour autant vouloir du mal à qui que ce soit. La charte, à ce que je
sache, n’a jamais parlé de contrôler ce que les Québécois font chez eux, dans
la rue ou dans leur lieu de culte. La charte n'était pas violente et ne prônait la violence d'aucune manière.
« Les animateurs des
radios de Québec et certains commentateurs médiatiques ont du sang sur les
mains. »
Trouver un coupable est facile. On pointe du doigt et on
guillotine. Il est plus difficile de réfléchir d’un point de vue global et de
chercher des solutions au basculement d’un monde. Personnellement, je méprise ces radios d'opinion et les commentateurs-agitateurs, mais dire que Duhaime, Martineau ou
tout autre animateur intempestif doivent porter une part du blâme pour cette
tuerie est aussi ridicule que de prétendre que le loup est entré dans la
bergerie parce que la clôture n’était pas fraîchement peinturée. C’est une
simplification naïve qui prend l’effet pour la cause. Un enragé ne tue pas de sang-froid
parce qu’un inconscient ne mesure pas la portée de ses propos. Qu’il y ait des
racistes que certains propos confortent dans leur répugnante conception, on ne
peut le nier, mais cela n’en fait pas des meurtriers pour autant.
« Les Québécois, et
particulièrement ceux de Québec, doivent dénoncer cet attentat pour se soustraire
à toute affiliation, comme on demande souvent aux musulmans de le faire quand
survient un attentat islamiste. »
Personnellement, je n’ai jamais attendu qu’un musulman
dénonce un attentat islamiste pour se « laver de tout soupçon ». Devant
l’horreur, j’attends plutôt que tout le monde soit dégoûté par un acte
dégoûtant. Mais je peux comprendre que si des gens commettent l’horreur au nom
de quelque chose qui m’est cher, j’ai envie de crier que ce qui m’est cher n’a
rien à voir avec le geste commis. Si j’étais musulman, je serais en colère lors
d’un attentat islamiste, comme beaucoup d’anglophones l’ont été quand Henry
Bain a crié « les Anglais se réveillent » après avoir déchaîné sa démente
barbarie. Ainsi, si un Québécois usait de violence sur quiconque en criant « Vive
le Québec libre ! », je me dissocierais aussitôt de ce nationalisme brutal
et nauséabond, contraire à tout ce qui m’est cher. Mais ici, l’odieux n’a pas
été commis au nom d’une idée ou d’une religion à laquelle j’adhère. Comme à peu
près tous les gens de Québec, je n’ai absolument rien à voir avec cette
violence et je la dénonce de tout mon cœur, mais je ne sens pas le besoin de me
soustraire à quoi que ce soit, car le seul lien que j’ai avec ce meurtrier, c’est
d’être québécois, comme ceux qui ont été lâchement assassinés ou blessés.
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