mercredi 26 avril 2006

Le point de vue scientifique

Le monde ne s’offre pas. Il est au contraire avare de son essence et le peu que nous savons avec certitude sur ce qui nous entoure depuis que l’homme pense en est une preuve accablante. Pour saisir l’univers, il nous faut imaginer et réfléchir, mais avant tout supposer. C’est Goethe qui affirmait avec raison que l’expérience est la seule médiatrice entre l’objectif et le subjectif. Sans expérience, pas de connaissance. Mais il n’y a pas d’expérience possible sans une décision subjective du chercheur, car « l’expérience doit toujours être instituée en vue d’une idée préconçue » (Claude Bernard). Les lois qui régissent le monde réel ne sont saisissables que par un cheminement scientifique qui passe nécessairement par des choix subjectifs que la raison, n’en déplaise à certains, ne saurait justifier, car « aucune voie logique ne conduit à ces lois ; mais la seule intuition, qui repose sur une intelligence compréhensive » (Einstein). Cette liberté du chercheur dans sa démarche peut être jugée comme une faute déterministe qui ébranle sérieusement sa toute-puissance :

« Ce "règne des lois dans la nature" dont vous parlez avec tant d’orgueil, messieurs les physiciens, "tout se passant comme si… ", ne subsiste qu’en vertu de votre interprétation et de votre faiblesse en "philologie". Ce n’est pas un fait ni un texte, mais un arrangement naïvement humanitaire des faits, une torsion du sens, une flatterie obséquieuse à l’adresse des instincts démocratiques de l’âme moderne. "Égalité partout devant la loi — la nature sur ce point n’a pas été traitée mieux que nous " — […] c’est là une interprétation, ce n’est pas le texte ; et quelqu’un pourrait venir, qui, armé de l’intention opposée et de tous autres artifices d’interprétation, déchiffrerait au contraire dans cette même nature, en partant des mêmes phénomènes, le triomphe brutal et impitoyable de volontés tyranniques. » Nietzsche, Par-delà le bien et le mal

La façon dont on aborde le monde joue pour beaucoup dans la réponse que l’on recevra. Si le « pourquoi ? » induit un sens scientifique, le « comment ? » est également source de faillibilité, car « les différentes sciences ont à leur fondement des principes de base qu’elles n’ont pas elles-mêmes les moyens de justifier mais qu’elles présupposent et sans lesquels leur travail serait impossible » (Daujat).
Donc... Ne croire en rien ? Non. Mais douter, se questionner, lire. Surtout, garder cette capacité de vivre l'esprit libre et de profiter de l'instant malgré les chaînes et les barreaux qui s'accumulent.

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