mercredi 26 avril 2006

C'est la faute à Pikachu !

Ça se passe à Bruxelles, le 12 avril dernier. Joe Van Holsbeeck, un jeune homme de 17 ans, se fait taxer son lecteur mp3 à la Gare centrale. Il refuse et se défend. Les deux agresseurs se fâchent et le poignardent à mort. Pathétique et hideux.
À Bruxelles, on organise une marche pour la paix. On insiste pour que les participants soient habillés de façon neutre, pour éviter que la manifestation ne soit récupérée par quelque groupe idéologique que ce soit. 80 000 personnes défilent silencieusement dans la rue. Officiellement, on réclame le « droit à la liberté de se déplacer en sécurité », mais au fond, tout ce qu’on demande, c’est un peu plus de paix et d’amour dans ce triste monde. Majestueux et serein.
Mais il se trouvera encore des petits maîtres pour expliquer la violente affaire : trop de télé, trop de violence à la télé, trop de jeux vidéo, trop de sexe sur internet, trop de tout. Coupez ! Éliminez ! Contrôlez ! C’est la faute à Goldorak et Pikachu !
Toutefois, de petites voix fragiles, telle que celle de Philippe Béague, psychanalyste et président de la fondation Françoise Dolto, chuchoteront discrètement : pas assez d’amour, pas assez de présence, pas assez de compréhension, pas assez d’explication, pas assez de temps. Tendons l'oreille.
*** Autre histoire tragique : le 31 décembre dernier, confortablement installés au sous-sol, un enfant de 10 ans et son père écoutent Le patriote, mettant en vedette Mel Gibson. On sonne à la porte. Le père monte répondre et passe un peu moins d’une heure avec l’amie arrivée à l’improviste. Quand il redescend, son fils est pendu à une poutre du plafond avec le cordon de sa robe de chambre, mort. Récemment, le coroner responsable de l'enquête se tape les médias pour dire que le film n’aurait pas dû être présenté aussi tôt dans la soirée (19h00, je crois), sous-entendant par là que la teneur du film est en lien direct ou indirect avec l’accident (ou le suicide). Bref, d’une certaine façon, c’est la faute à Mel Gibson…
Apprenant cette histoire, je ne peux m’empêcher de demander à mon fils, lui-même âgé de 10 ans, ce qu’il en pense. Sa réponse, aussi éloquente que tranchante : « iiiiiiiii, pas fort !». Ce n'est pas méchanceté, mais plutôt inconscience. Des films, il en a visionnés des centaines, et aucun ne lui donnerait l'envie de se pendre ou de tenter de sauter d'un dixième étage pour voler comme Clark dans Smallville. Aussi ne comprend-il pas pourquoi on peut agir de la sorte à cause d’un film. Et il a bien raison.
Moi de même, je ne peux me faire à l'idée qu’on explique la mort de cet enfant par le visionnement d’un film, ni même que l’on fasse un lien direct entre les deux. Il y assurément autre chose. Du silence, de l’absence, du non-dit, de l’obscurité innommable. Un enfant de dix ans ne se pend pas à cause d’un film, mais bien plutôt parce qu’il a effleuré cette part monstrueuse de l’humanité dont nous sommes tous à la fois les victimes et les responsables.

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