lundi 19 juin 2006

À apprendre par coeur

"Quel est le grand dragon que l'esprit ne veut plus appeler ni dieu ni maître ? « Tu dois », s’appelle le grand dragon. Mais l’esprit du lion dit : « Je veux. ». « Tu dois » le guette au bord du chemin, étincelant d’or sous sa carapace aux mille écailles, et sur chaque écaille brille en lettres dorées : « Tu dois ! ». Des valeurs maintes fois séculaires brillent sur ces écailles et ainsi parle le plus puissant de tous les dragons : « La valeur de toutes choses brille sur moi. ». Toute valeur a déjà été créée, et toutes les valeurs créées sont en moi. En vérité, il ne doit plus y avoir de « Je veux » ! Ainsi parle le dragon. Mes frères, pourquoi est-il besoin du lion de l’esprit ? N’avons-nous pas assez de la bête robuste qui renonce et qui se soumet ? Créer des valeurs nouvelles — le lion même ne le peut pas encore : mais se rendre libre pour des créations nouvelles, — c’est là ce que peut la puissance du lion. Se libérer, opposer un « non » sacré même au devoir : telle, mes frères, est la tâche qui incombe au lion. Conquérir le droit de créer des valeurs nouvelles, — c’est la plus terrible conquête pour un esprit patient et respectueux. En vérité, c’est pour lui un rapt et le fait d’une bête de proie. Il aimait jadis le « Tu dois » comme son bien le plus sacré : à présent il lui faut trouver l’illusion et l’arbitraire, même dans le plus sacré, afin d’assurer sa liberté aux dépens de son amour : il faut un lion pour un tel rapt." Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra

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