Massacre de Dawson : ultima ratio d'un faible

Ce drame m’apparaît d’autant plus atterrant qu’il eut sans doute pu être évité simplement par une parole juste ou un geste secourable. Mais qui d’entre nous tend la main spontanément ? -------------------------------------------------------------------------------- « L’acte surréaliste le plus simple consiste, revolvers aux poings, à descendre dans la rue et à tirer au hasard, tant qu’on peut dans la foule. Qui n’a pas eu, au moins une fois, envie d’en finir de la sorte avec le petit système d’avilissement et de crétinisation en vigueur a sa place toute marquée dans cette foule, ventre à hauteur de canon »[1]. Breton, loin d’être un meurtrier ou même un violent, indiquait avant tout par cette image provocatrice le point culminant de l’acte artistique libre par son incompréhensibilité et par l’impossibilité de liaison à quelques repères que ce soit. Aujourd’hui, l’image ne fonctionne plus car elle meurt en s’accomplissant. -------------------------------------------------------------------------------- Les autorités ont retiré le blogue de Kimveer Gill sur Internet, mais j’ai eu le temps d’aller y jeter un coup d’œil avant qu'elles ne le fassent. Ce n’est ni par intérêt morbide ou voyeurisme, mais bien parce qu’il me fallait impérativement essayer de comprendre l'état d’esprit ayant pu mener à cette déflagration de hargne. Presqu'à chaque ligne, on y sentait un enchevêtrement inextricable de haine, de solitude et de douleur. En lisant ce journal enténébré, torturé et souvent pathétique, je repensais à la violence du geste et une colère sourde montait en moi contre l'assassin. Je serais allé jusqu’à m’enrager contre lui si je n’avais réalisé à temps que cette colère prenait source au même endroit que la sienne. -------------------------------------------------------------------------------- On dit un monstre, un fou, un maniaque, mais quoi qu’on en pense, il s’agissait aussi d’un homme. ------------------------- [1] André Breton, Second manifeste du surréalisme, éd. Kra, 1930, Œuvres complètes, t. I, Paris, Gallimard, coll. « La Pléiade », 1988, p. 783.