lundi 28 novembre 2005

Lire au feu

J’habite à la campagne, dans un petit village où, je ne sais pourquoi, on manque d’électricité au moins une fois par semaine. D’habitude, ça ne dure que quelques secondes, juste le temps de dérégler tous les appareils de la maison. Mais il y a quelques jours, la panne de fin de soirée a duré des heures. J'étais seul. Je n’ai pas peur du noir, ni des sorcières ou des lutins. Mais vous savez quoi ? J’ai eu la chienne. Au bout de quelques minutes, après avoir allumé trois chandelles, je me suis senti mal. Pas parce qu’il faisait noir, ni parce que je craignais qu’un succube vienne me faire faire la bicyclette hollandaise, mais bien parce que je me retrouvais VRAIMENT seul avec moi-même. Sans clavier pour occuper mon esprit. Sans télé pour endormir ma pensée. Sans radio pour occuper le vide. Sans lumière pour meubler mon temps. Trop tard pour appeler qui que ce soit. Le vide. Le silence. L’angoisse. Après quelques minutes, réalisant que l’électricité n’allait pas revenir avant un moment, je suis monté au deuxième avec mes chandelles, je me suis étendu sur le lit et j’ai lu. Je lis souvent, presque trop. Mais cette lecture-là avait quelque chose de spécial. Je me suis retrouvé seul avec un livre. C’était étrange, je ressentais physiquement une impression qui n’était pas survenue depuis longtemps : je lisais pour de vrai. Je ne sais pas combien de temps j’ai lu ainsi, mais lorsque la lumière est revenue, j’ai ressenti un malaise proche de celui qui m’avait submergé au moment de la panne. En courant dans la maison, j’ai éteint toutes les lumières et j’ai poursuivi ma lecture encore longtemps avec mon éclairage de fortune, bien au chaud sous les couvertures. Cette nuit-là, j’ai rêvé d’un monde où on lit à la chandelle et où on discute entre amis à la lueur rouge-orangée d’un poêle à bois.

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