dimanche 27 novembre 2005

L'éxamain de franssais

On entend beaucoup parler ces temps-ci de la qualité du français des futurs enseignants. Ce qui surprend le plus dans ce débat, c’est que l’on a tendance à mettre toute la faute sur le système d’éducation. Il est vrai que la déficience est évidente. On croirait qu’en abolissant le cours classique, quelques fonctionnaires "spécialisses" du MEQ se sont dit qu’il valait mieux niveler par le bas et se débrouiller pour que tout le monde réussisse. En outre, on s’est organisé pour que la profession d’enseignant ne soit pas des plus courues. Au maître de l’Antiquité qui avait le respect de la Cité, on a opposé une carrière axée sur l’intérêt pour une matière, l’amour des étudiants et la sécurité d’emploi, mettant par le fait même de côté la curiosité, le désir de montrer la voie de la réflexion, le plaisir de partager sa passion de la connaissance, la volonté de façonner des individus capables de devenir ce qu’ils sont en pensant par eux-mêmes… Utopie, quand tu nous prends ! Il faut se rendre à l’évidence : l’école n’est souvent aujourd’hui qu’une usine à fabriquer des diplômés, futurs citoyens consommateurs bien adaptés à l'offre et la demande. Mais le système scolaire n’est pas le seul responsable, car, malheureusement, l’éducation ne s’acquière pas aussi facilement que les jeux vidéo ou la planche à neige. Apprendre demande un effort contre soi, une volonté qui dépasse le plaisir du résultat immédiat et un intérêt pour toutes ces choses qui ne concerne pas seulement son nombril — ou sa "carrière". Quand on accuse le système d’avoir fait des illettrés, on oublie de mentionner que ses supposées victimes ont toujours eu l’occasion de faire un bout de chemin par eux-mêmes. L’excuse des failles du système ne tient pas la route quand on parle de gens qui ont passé six ans au primaire, cinq au secondaire, deux dans un Cégep. Savent-ils seulement que l’on prête des livres tout à fait gratuitement dans les bibliothèques des établissements où ils ont passé toutes ces années ? Quelqu’un leur a-t-il déjà dit que ce pouvait être utile de lire autre chose que John Irving ou "les livres obligatoires du plan de cours" pour comprendre le monde dans lequel ils exerceront leur profession ? Un pédagogue charitable leur a-t-il mentionné que les médias, principale source d'information aujourd'hui, pour ne pas dire la seule dans bien des cas, par définition, ne proposaient qu’une réalité tronquée et souvent biaisée et que pour comprendre un événement médiatisé, il fallait prendre sur soi et compléter l’information, quand ce n'est pas reprendre du début, par d’autres approches plus exigeantes certes, mais combien plus nourrissantes ? On dira que je fais de l'élitisme, mais je ne fais que témoigner d'une réalité que je connais bien. Sans entrer dans les détails, disons simplement que j'ai effectué un long voyage en la "Sainte école québécoise" et un court pèlerinage vers la "Papauté professorale". Ce qui frappe le plus dans ce cas-là, c'est qu'ils peuvent opérer des cerveaux, mais ne connaissent pas les opposants qui s’affrontaient durant la 2e Guerre Mondiale; qu'ils sont aptes à mettre un juge dans leur poche sans savoir que le train n’existait pas au temps de César; qu'ils veulent se tenir devant une classe et écrivent sans gêne « c’est assé »… Et si on ose leur dévoiler cette lacune, ils haussent les épaules, quand ils ne rient pas carrément en disant que toutes ces conneries ne sont pas importantes... Être fonctionnel dans le système semble être le but inavoué de ceux-là et de leurs professeurs. Quoi qu’on dise, le problème de ces futurs enseignants qui ne savent pas écrire leur langue maternelle est inquiétant. Ceux à qui l’on confiera de jeunes esprits dans quelques années témoignent d’un manque flagrant, symboliquement lié au déclin évident non seulement du système scolaire, mais de l’ensemble de la culture. Et quand bien même on mettrait la faute sur le système profondément lacunaire qui les a recrachés diplômés et quasi analphabètes, le problème demeure entier. Reste à souhaiter que cette pauvreté de la langue ne soit pas le témoignage d’une médiocrité généralisée à la totalité de ce qu’ils savent sur l’homme et le monde.

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