lundi 11 décembre 2006

Condensé et gaspillage

Notre époque est celle du condensé : de bœuf, de culture, de vie. On écoute les nouvelles et quelques émissions culturelles et on s’imagine être au courant; on surfe sur le web, on achète tous les best-sellers que listent les quotidiens, on épluche à la file des revues à la mode, on se délecte sans se repaître des publications in, de la psychose narrée à la biographie névrotique ou politique, et on se dit lecteur. Les innombrables sources d’informations finissent par noyer dans la confusion. Le sens et le contenu priment contre l’art, contre la remise en question, contre le langage même : exit l’importance de l’acte d’écriture, exit la beauté des mots, exit l’ironie et le langage allusif. Dans les tonnes de papier qui circulent dans le supermarché littéraire, c’est ce que Sollers appelle « le catéchisme des valeurs vides » qui prédomine toujours et encore. C’est pourquoi l’on voit tant de vendeurs de mots et si peu de poètes, tant de chercheurs d’or et si peu d’inventeurs, tant de gagnants et si peu de vivants. C’est peut-être aussi pourquoi les poètes finissent presque toujours par se taire, comme Rimbaud, quand ils ne se tuent pas, comme Hemingway. C’est que le gaspillage de paroles adressées à des oreilles sourdes est senti tôt ou tard comme inutile ou insupportable.

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