vendredi 10 octobre 2008

Le moisi

Vous sentez l’odeur ? Non ? Moi, si. Et presque partout. Elle me prend au nez en voiture, quand, après m’être arrêté sur un poste qui jouait Smells Like teen Spirit (nostalgie, quand tu nous prends…), la chanson se termine : haleine de singes. Grognements primaires, réflexions binaires, idéologies populaires. Beaucoup de « gna-gna-gna ». De la colère aussi, en cascade, et mal contrôlée par ces esprits qui n’ont juste pas eu de chance (mon humanisme inébranlable qui écrit). Le lexique est lilliputien : job, économie, travail, plasma, bluetooth, blu-ray, pool, rock, séries éliminatoires, le tout entrecoupé de logique de cour d’école et d’affirmations oiseuses. Quand on veut, on peut. Welcome to the best radio ! Amen !
Le discours est facile à suivre, c’est celui de la petite misère, d'hommes enragés, envieux, outrecuidants, enfermés dans leur doctrine de soldats – sans la bravoure – et de prolétaires – sans le courage. Des économistes de caisse populaire, des analystes à courte vue, des théoriciens de l’ineptie. De tout et n’importe quoi. Surtout n’importe quoi. Pourvu que ça fesse.
Mon rêve : leur poser quelques questions. De base. Des questions qui permettent d’avoir une certaine vue sur le monde, qui évitent de n’être qu’un pion qu’on envoie sur la case qui mène directement et obliquement au fou. Une perspective. Pour ne pas penser que le monde commence avec le petit « je » et se termine par un emploi stable et une piscine hors-terre en banlieue.
« Éclairez-moi, je vous en prie, chers porte-paroles des « petits épargnants » (sic). Dites-moi un peu ce que vous savez sur ce que vous détestez tant. Parlez-moi du dernier livre que vous avez lu, de la dernière œuvre (tous genres confondus) que vous avez aimée à en pleurer. Oui, à en pleurer. Ça vous fait rire ? Votre rire est dramatique, désespéré. Comme j’aimerais vous faire ressentir ce que je ressens devant une toile de Fragonard, à l’écoute d’une chanson de Saez, en lisant une page de Quignard. Vous dites ? Tour de verre ? Élitisme ? Non. Je m’emporte aussi pour un but de Kovalev en série, m’époumone sur une chanson avec Kurt Cobain, trippe en branchant mon nouveau câble HDMI, m’excite devant une Pom Pom Girl qui a de la souplesse à revendre… Ce monde, c’est aussi mon monde. Je suis curieux de nature, j’explore, et ce qui me plait me plait. Mais parlez-moi un peu de ce continent que je peux fréquenter et qui vous semble inconnu. Vous ne pouvez pas… Dommage. Triste.
D’abord, expliquez-moi les raisons qui vous font aimer ce que vous aimez. Ne me répétez pas que vous aimez ce que vous aimez. Dites-moi pourquoi. Votre théorie sur le capitalisme, votre avis sur sa déroute actuel. Votre opinion sur l’accord de Kyoto. Vos vues sur les problèmes écologiques bien réels. Votre compréhension du conflit en Afghanistan. En Irak. Je veux vous entendre. Sincèrement. Ne me répétez pas en boucle les mêmes clichés, j’ai CNN moi-aussi. Soyez honnêtes. Syndicats. Des barbus pour les lâches ? Vraiment ? Hoffa aussi ? Ha ? Vous avez vu le film… Anti-américanisme, pro-américanisme ? Dites-moi… Expliquez-moi votre justification des soldats de vingt ans qui reviennent dans des boites. Dommages collatéraux ? Démocratie ? Seriez-vous prêts à sacrifier votre enfant pour l’imposer à l’autre bout du monde. À vous sacrifier vous ? Je vous écoute. Je veux comprendre. »
RIRES.
ODEUR DE PUTRÉFACTION.
RIDEAUX.

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