vendredi 30 janvier 2009

La liberté malade

La plus grande tragédie de la psychologie moderne est d'avoir délibérément oblitéré la spécification, d'avoir voulu niveler l'unicité de l'individu pour en faire un parmi tant d'autres. Les causes de cette "massification" sont nombreuses, mais l'une d'entre elles est assurément le désir de créer un vocabulaire scientifique dont le but avoué est de cerner de toutes parts les particularités individuelles que l'on cherche à caser ainsi dans un petit guide de troubles comportementaux qu'utiliseront avec plaisir et satisfaction les nouveaux psychologues qui, il y a quinze ans à peine, n'auraient pas même réussi leur Cégep. La plus grande commodité de ce classement de l'originalité humaine est de justifier une norme de vie, celle des analphabètes riches et des gagne-petit motivés, dans laquelle la créativité et la personnalité sont évacuées au profit d'une réussite sociale construite autour de faux désirs, d'aveuglement volontaire, d'endoctrinement parental et social. En "dénonçant" le mal de vivre, la folie, l'impétuosité, la déprime ou le suicide comme des maladies à combattre, le psychologue moderne, lui-même pris dans les filets de la norme imposée, parvient non seulement à faire croire à son client qu'il est malade et doit guérir, mais surtout que sa révolte, qui prend les formes que la conscience permet, n'est pas justifiée par l'extérieur. Culpabilité sur culpabilité en quelque sorte. Or, il est évident, du moins pour l'esprit qui demeure un tant soit peu libre de penser par lui-même, que toute forme de révolte, qu'elle soit intérieure ou extérieure, est non seulement explicable par les outrages continuels que la société moderne fait subir à l'individu, mais surtout justifiable aisément par quiconque a encore un peu en lui le désir de vivre et d'être.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire