dimanche 6 novembre 2011

Le rire du vrai riche


J’aimerais bien que cessent mes brûlements d’estomac. Je sais que modifier mon alimentation pourrait aider. Couper les cretons au déjeuner, par exemple. Faire du yoga. Arrêter de fumer, tiens. Mais, surtout, arrêter de lire ce que disent les perroquets de la drédrette, car plutôt que de me mettre le feu où vous savez, c’est dans l’estomac que ça se passe.

Je n’y peux rien, je ne digère pas leur pseudo pensée libertarienne, leurs arguments d’économiste de caisse populaire, leur espoir d’être un jour dans le 1 % des maîtres, quand on sait bien qu’ils seront toujours dans la middle class of poverty, comme disait l’autre.

Remarquez, les défenseurs de l’inégalité sociale ne sont jamais ceux qu’on penserait : les riches, les vrais, ceux qui ont le pouvoir et l’argent du pouvoir, le beurre et l’argent du beurre avec lequel ils achètent encore plus de beurre. Ceux-là se taisent, jouent au golf, donnent des hormones à leur poule aux œufs d’or et font de l’argent. Indécents et silencieux.

Non, ce sont les autres qui parlent le plus et se posent en chiens de garde : les prolétaires qui rêvent de la paye du patron, les salariés qui aiment le bruit du « punch », les employés qui vont aux Remparts en rêvant aux Antilles, les petits entrepreneurs qui ont du succès de moyens entrepreneurs, les demi-éduqués plein temps qui brandissent leurs diplômes achetés chèrement à l’université, les syndiqués bord en bord qui défèquent sur les syndicats, les rebelles repentis au salaire presque minimum, les contents de se faire fourrer, les heureux d’être à genoux.

Le vrai riche doit rire dans sa barbe quand il les entend dire que c’est normal que le patron fasse plus d’argent que l’employé qui n’a pas eu l’idée de l’entreprise, qui n’a pas pris les risques. Il doit trouver que la machine est vraiment bien huilée, tellement que ça coule de partout. Plus d’argent, vous dites?

Oui, il doit s'amuser, le vrai riche, quand il pense à son père qui lui a tout légué ou à sa prime de rendement mensuelle plus élevée que le salaire annuel de l’employé sur le point de prendre sa retraite après quarante ans de loyaux services à l’entreprise. Il doit se dire qu’il est chanceux de vivre dans une société qui a développé le goût du travail d’une façon si habile qu’on ne sent plus les chaînes, un troupeau qui n’a plus besoin de chien berger quand les moutons se dévorent entre eux.

Il doit s’esclaffer quand il les entend défendre corps et âme un capitalisme agonisant dont il a extrait, avec ses amis du club, tout le jus. Et ils en redemandent.

Il doit exulter en les entendant déclamer sur l’urgence de se serrer la ceinture, de compresser, de couper, de gérer serré, de budgéter sans pitié, quand il reçoit ses subventions à neuf zéros.

Il doit ricaner en voyant les enragés de la classe moyenne mordre les pauvres sous prétexte qu’ils payent trop d’impôt, comme un chien qui mord le chat parce que son maître le bat.

Il doit pouffer quand il entend ces figurants défendre la machine comme s’ils étaient au volant, quand ils n’en sont que les rouages. Bien huilés, oui.

Moi, les entendre ne me fait pas rire, ça me donne des brûlements d’estomac.

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