jeudi 31 mai 2012

L'intello, l'artisse et le B.S.


Dans une chronique récente intitulée Le salaud, l'idiot et le larbin, Mathieu Bock-Côté présente « les figures de l'ennemi » en politique actuelle. Connaissant les allégeances du sociologue pour une certaine droite, on comprendra que les stéréotypes présentés ne concernent qu'une vision de la gauche caricaturée à l'extrême.

La confiture

D'entrée de jeu, le chroniqueur récupère une expression de Philippe Muray pour justifier ses propos : « L'empire du bien », pour parler de la gauche. Or, qui a lu Muray sait très bien que le citer revient à le dénaturer. Il suffit, pour s'en convaincre, de lire ses Essais parues chez Les Belles Lettres en 2010, une brique de 1812 pages en petits caractères serrés. Muray y est éloquent, mais ses idées, qui gravitent surtout autour du concept d'homo festivus et du temps festif en général, partent souvent dans tous les sens et, au travers des nombreuses tournures géniales et assassines, on finit par comprendre que Muray est contre à peu près tout. Cela n'enlève rien au plaisir de le lire, mais il devient ainsi difficile de le citer sans risquer de le contredire.


Un triangle manichéen

Selon Bock-Côté, la gauche à une perception triangulaire et simplissime de la droite : le salaud, c'est-à-dire le riche, paye le larbin, c'est-à-dire le chroniqueur d'humeur, pour remplir la tête de l'idiot, c'est-à-dire le citoyen de la classe moyenne, inculte et abruti dans son confort. Le chroniqueur prend soin de préciser qu'il s'agit de la perception d'« une certaine gauche », se gardant bien de dévoiler ce que pense le reste de la gauche.

En dressant un portrait d'« une certaine gauche », Bock-Côté se donne une marge de manoeuvre qui lui permet de dire n'importe quoi. Ses lecteurs de droite acquiesceront sans doute à ses propos et oublieront rapidement qu'il s'agit d'une certaine gauche pour jeter le bébé avec l'eau du bain. C'est pratique. Je me permets donc ici d'esquisser un triangle d'une certaine droite, espérant que Bock-Côté et ses lecteurs y trouveront non pas de quoi s'identifier, mais bien un argument capable de leur montrer que la démagogie a l'esprit large et que l'injure et le préjugé n'ont pas de camp.

L'intello, l'artisse et le B.S.

Il y a d'abord l'intello. C'est l'universitaire. Celui qui vit dans sa tour d'ivoire. Il se croit supérieur parce qu'il a étudié longtemps, la plupart du temps dans un domaine tout à fait inutile comme la sociologie ou l'histoire. Il méprise tous ceux qui n'ont pas de diplôme de deuxième cycle et profite de sa position pour donner son avis sur tout ce qui ne le concerne pas. Il devrait se la fermer et s'en tenir à enseigner ses niaiseries.

Il y a ensuite l'artisse. Il est barbu, cheveux longs et vit aux crochets du système. Il reçoit des bourses payées avec nos taxes et vit grassement même s'il n'est pas capable de vendre ses cochonneries. Lui aussi donne son avis sur tout et n'importe quoi, inspiré la plupart du temps par l'intello qui est son maître à penser. Il déteste les riches, mais veut avoir leur argent. En réalité, il ne sert absolument à rien parce qu'il ne fait pas de rock ou de films américains.

Il y a enfin le B.S. C'est le profiteur de système, le chancre mou de la société. Il ne veut pas travailler et ses nombreux enfants sont comme lui paresseux. Il veut tout gratuit sans jamais payer d'impôts. Quand il n'est pas vraiment sur le B.S., il est fonctionnaire, ce qui revient au même : vivre aux crochets de l'état sans effort.

Un air pacifique aux odeurs de poudre

Avec ses portraits peu flatteurs, Mathieu Bock-Côté manque donc sa cible, qui était de modérer les parties. En réalité, sa présentation attisera la haine et renforcera le jugement de ceux que l'on sait. On pourra dire que sa conclusion est un appel au calme, une tirade sur la politique comme moyen de consensus social, mais cela ne suffit pas. Tout le monde sait bien, et Mathieu Bock-Côté le premier, ce qui arrive quand on jette un peu d'eau sur de l'huile en feu.


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