jeudi 18 octobre 2012

728 et les rats

J'ai laissé retomber la poussière sur l'affaire Stéphanie Trudeau, le tristement célèbre matricule 728. Je n'en peux plus et je vais me soulager tout de suite.

Le véritable problème avec 728, ce n'est pas vraiment ce qu'elle pense ou dit, mais bien que l'on sait que cette façon de voir est répandue dans le corps policier. Faites le test : dans l'intimité, demandez à un policier ce qu'ils pense des carrés rouges ou des gratteux de guitare et vous verrez que 728 n'a dit tout haut que ce que beaucoup de ses collègues pensent aussi.

Dans le milieu où je travaille, beaucoup pensent aussi, par exemple, que les riches hommes d'affaires sont des crapules sans scrupules. Et je l'écris poliment. "Des estis de crosseurs" serait plus juste. Dans l'intimité, évidemment. C'est un préjugé qui met à tort plein de monde dans le même moule. Mais dans ce milieu, je ne connais personne qui doit chaque jour, dans son travail, intervenir directement auprès des riches hommes d'affaires. Au mieux, on les invite aux vernissages, car c'est bien connu que dans les évènements artistiques les hommes d'affaires parlent d'art et les artistes d'argent... Au pire, on les bafoue dans une phrase bien tournée, une toile à saveur ironique. Qu'un artiste affirme que tel millionnaire est un rat, ce n'est pas très brillant, mais ce n'est pas dangereux.

Vous me voyez venir ? Si disons 75 % des policiers pensent que les artistes sont des mangeux de marde, ça fait 75 % d'interventions policières dangereuses auprès des artistes. Si c'est 50 % des polices qui croient que gratter une guitare pour gagner ta vie fait de toi un rat, c'est 50 % d'interventions de dératisation potentielles. Le calcul est simple, n'est-ce pas ?

Philosophiquement (et là je vois l'emploi de ce mot qui me fait pousser des oreilles et des dents pointues aux yeux de certains représentants de l'ordre), on ne peut empêcher quelqu'un de penser ce qu'il pense. Même pour soi-même, c'est impossible. Essayez donc d'aimer ce que vous n'aimez pas, juste pour voir. On ne peut donc pas forcer une police telle que Stéphanie Trudeau à comprendre que le gratteux de guitare qu'elle méprise n'est pas si différent du guitariste du groupe qu'elle est allé voir sur les plaines cet été. On ne peut pas non plus lui dire que le terme "rat" a déjà été employé pour des humains dans le passé, et toujours pour le pire.

Je vais le dire : c'est un problème de classe, non pas dans le sens d'avoir de la classe, du savoir-vivre, mais bien au sens marxiste du terme. La police attire une certaine classe de gens. Je voudrais bien écrire "parfois", mais il semble bien que ce soit en général. Il y a des exceptions, bien entendu, comme ailleurs. Comme ce pompier qui ne se rase pas le torse et n'a pas un "six pack". Comme cet artiste qui vote pour la CAQ. Comme cette danseuse nue qui termine son doctorat. Comme cet avocat qui passe son Noël avec des aveugles. Mais ce n'est pas la règle.

Le problème est complexe et profond. Je propose toutefois cette solution : aux examens d'admission dans la police, on s'assure que le candidat ou la candidate :

1. Comprend que les rats, à part Ratatouille, ne jouent pas de guitare.
2. A déjà "jammé" avec des amis dans un sous-sol.
3. Sait qui s'est affronté durant la Deuxième Guerre mondiale.
4. A déjà lu un livre au complet.

Quel lien avec les points 3 et 4 ? Le même qui me fait penser qu'une certaine culture est une voie vers la liberté et que cette liberté est un fameux antidote à la haine.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire