DIVERTIR, verbe trans.Étymologie, 1370-80 « détourner quelqu'un de quelque chose » (Trad. Ovide Remède d'Amour, 1013 ds T.-L.)
Ne serait-il pas plus facile de nous laisser subjuguer par
le spectacle continuel de la société, d’arrêter de nous révolter contre
l’injustice, de ravaler notre dégoût de l’abrutissement volontaire, et, enfin,
de nous mettre à plat ventre pour obtenir ce que l’on semble désirer à n’importe
quel prix : richesse, reconnaissance, pouvoir et perpétuelle alternance
loisir-travail ?
C’est qu’ils ont souvent l’air content, les « gens normaux
», entre leurs antidépresseurs et leurs occupations continuelles, entre leurs
anxiolytiques et leurs soirées télé, entre leurs épuisements professionnels et leurs orgies de
sushis. Repus de randonnées en motoneige, de fins de semaine au chalet et de
tout inclus à Santa Banana, leurs angoisses sur la grandeur de leur télévision
plasma ou la couleur de leurs rideaux nous paraissent attirantes. Encore un peu
et nous rêverions, comme eux, d’enfants « menton rasé, ventre rond, notaires ».
Nous mettrions tant d’eau dans notre vin qu’à la fin il ne resterait que de la
flotte. Nous jugerions les pauvres, convaincus que l’échec est le résultat d’un
manque d’efforts. Le ventre usé d’avoir trop rampé, le dos voûté par les
courbettes, nous défendrions les petits maîtres qui fouettent en ricanant nos fesses dodues. Nous boirions à l’auge des économistes qui jouent les prêtres,
prétendus détenteurs d’un savoir incontestable, et applaudirions leur commedia
dell'economia. Nous répéterions mot à mot ce que nous aurions gobé à la radio
ou dans le journal, faute de temps, faute de tout ce qui n'est pas monnayable.
Enfin, nous deviendrions homos festivus par excellence, errant de spectacle en
festival pour éviter la douloureuse conscience quand la vie se fait drame… ou
parodie.
Que nous serions heureux !
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