jeudi 15 décembre 2005

Les Bouffeurs d'art III

Pour qu’une œuvre soit reconnue par les bouffeurs d’art, il faut la dépouiller de ce que la grande œuvre est remplie. Dans tous les milieux artistiques contemporains, on tend aujourd’hui à uniformiser l’art, à lui retirer sa substantifique moelle que la masse dans son ensemble ne peut ou ne veut apprécier. On suggère à l’artiste de faire dans le simple et le populaire pour réussir ou, pire, pour avoir le droit de continuer de faire en cachette ce qu’il aime, c’est-à-dire son art véritable. Aussi trouve-t-on de plus en plus de créateurs au goût du jour et de moins en moins d’artistes originaux parmi les élus de la masse consommatrice de productions artistiques. En outre, un producteur d’œuvres consommables et assimilables par la majorité du public devient instantanément reconnu dans n’importe quel domaine de la production; si on ne voyait au début ce phénomène de commutativité s’appliquer exclusivement dans le domaine des arts — un chanteur qui écrit une œuvre littéraire ou un homme de théâtre qui se met à chanter — on voit de plus en plus souvent le potentiel mercantile de la reconnaissance d’un nom commuter à volonté : le disque à succès d’un animateur de talk-show, le best-seller d’un banquier.

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