jeudi 23 mars 2006

La musique du possible

Tout se déroule aujourd’hui comme s’il n’y avait qu’une alternative au possible : une routine sécurisante où quelques transgressions temporaires et ponctuelles sont tolérées en autant que l’autre ne soit pas trop dérangé dans sa routine sécurisante. Les rebelles d’aujourd’hui meurent à cent ans dans un hospice aussi bien climatisé que les édifices à bureaux qu’ils ont dénigrés toute leur vie. « On n’a pas le choix » est la prière que toutes les lèvres gonflées à force de recevoir des coups de pub sur la gueule récitent avec la conviction d’un disciple maoïste justifiant la réforme alors qu’on le fouette dans un camp de rééducation. Les espoirs se sont standardisés et l’ouvrier, le curé et l’homme d’affaires, le pauvre, le puissant et le riche rêvent maintenant en couleurs sensiblement de la même chose, avec la seule différence la grosseur de l’écran où ils entrevoient le possible. Le possible unique, tout le monde y croit et le veut pour soi : les voyages, les vacances, la reconnaissance, la voiture luxueuse, les loisirs enivrants, les bons vins, les masseuses qui font des complets… Avec la mondialisation, le possible s’est internationalisé; si bien que l’Ougandais, le Chinois, le Français, l’Allemand, le Péruvien, l’États-Unien et le Québécois désirent désormais la même chose, à quelques variantes près. Il y a déjà de moins en moins de place pour la différence, la distance, la marginalité, la diversité, la pluralité, le choix. Tous unis sous une même bannière. L’objectif fasciste est en train de s’installer insidieusement à l’échelle mondiale. Mais heureusement, qu’on le veuille ou non, la vie est changement, mouvement, altération, transformation, impulsion, mutation, bref, vivante. Que la peur, l’envie, l’ambition, la quête de sécurité absolue cherchent à ramener tout à la même cadence planétaire n’y changera rien. Le possible ne sera jamais mélodie homogène, mais toujours et encore excitant rubato. Entendez-vous sa musique exaltante ?

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