lundi 14 novembre 2005

Je me souviens

Je me souviens m’être demandé d’où venait l’expression « Je me souviens ». Je me souviens avoir découvert que c’était une formule de Georges Pérec. Je me souviens avoir trouvé un livre où il était écrit que ce n’était pas Georges Pérec qui avait la première fois utilisé la formule « Je me souviens », mais plutôt l’américain Joe Brainard dans ses recueils « I Remember ». Je me souviens du mal de tête qui monte quand on boit une slush trop rapidement. Je me souviens de l’odeur des hot-dogs d’Expo-Québec. Je me souviens des BD lues sur le bord de la piscine chez François Laliberté. Je me souviens de mon T-Shirt Océan Pacifique rose. Je me souviens des espadrilles Stan Smith qui étaient plus beaux quand ils étaient vieux. Je me souviens des soirées passées près du sapin de Noël à chanter avec mes sœurs. Je me souviens de mon premier baiser : Céline Michel sur le toit chez Martin Houle. Je me souviens du temps où les cigarettes « Popeye » avaient encore un bout rouge. Je me souviens de l’étourdissement quand j’ai fumé ma première cigarette. Je me souviens de la chanson triste que Démétan jouait quand ça n’allait pas bien. Je me souviens d’une journée passée à faire des barrages sur un ruisseau. Je me souviens quand mon père a décidé de m’acheter des patins neufs, parce que mon entraîneur le lui avait recommandé. Je me souviens de la fois où Daniel Poliquin m’a donné une claque sur la gueule, la première et la dernière que j’ai mangée de ma vie. Je me souviens de mon premier ordinateur, un Vic 20 avec Data-Set. Je me souviens du temps où j’étais camelot et de l’épaisseur de ma pile de journaux, le samedi matin. Je me souviens des bonbons en forme de bâtonnets que l’on pouvait tremper dans des poudres de différentes saveurs. Je me souviens des sensations de mon premier « french kiss », mais je ne me souviens pas à qui était l’autre langue. Je me souviens d’une jolie française dont j’étais éperdument amoureux mais qui n’a jamais connu mon nom. Je me souviens de mon bonheur mêlé d’angoisse lorsque le Temps des Fêtes approchait. Je me souviens de dimanche soirs tristes et de lundi matins heureux. Je me souviens d’un gars surnommé « Ti-Matte » qui me terrorisait dans le quartier de mon enfance. Je me souviens du vent sur mon visage quand je revenais à bicyclette chez mes parents tard le soir. Je me souviens que je buvais du rhum durant ma période d’étude obligatoire le vendredi soir. Je me souviens des bouchons de bouteilles de vin enfoncés dans le goulot avec une branche parce que je n’avais pas d’ouvre-bouteille. Je me souviens de ma première « brosse », dans un cimetière. Je me souviens de la naissance de mon premier enfant, mais pas des trois autres. Je me souviens de mes premières angoisses et du sentiment d’étouffement qui les accompagnait. Je me souviens que mon oncle a fait le Bonhomme Carnaval pendant quelques années et qu’il venait parfois dîner à la maison avec son costume. Je me souviens avoir longuement pleuré après la soirée de mon mariage. Je me souviens d’une adolescente qui me préparait de petits soupers d’amoureux pour imiter sa mère. Je me souviens d’une partie de hockey où les spectateurs ont lancé sur la glace tous les rouleaux de papier de toilette disponibles dans l’aréna. Je me souviens des sandwiches aux frites de ma mère. Je me souviens d’un ami qui avait une mobylette jaune quand nous n’avions que des vélos. Je me souviens d’un anglais dans un camp de vacances qui me traitait comme son pote quand nous ne nous connaissions même pas. Je me souviens d’un jouet brisé que j’aimais plus que tout. Je me souviens d’une blague racontée par moi qui avait été suivie d’un long silence. Je me souviens de l’odeur de chlore quand j’entrais à la piscine municipale. Je me souviens d’une superbe fille qui me faisait des yeux doux dans un bar et à qui je ne suis jamais allé parler. Je me souviens de nuits où je rentrais seul après la fermeture du bar où j’avais passé la soirée. Je me souviens de ma première lecture de Nietzsche, mais pas de celle de la Bible. Je me souviens m’être levé à quatre heures du matin pour attendre la livraison de mes journaux. Je me souviens des rôties au beurre d’arachides de ma sœur. Je me souviens de ma première bouffée de haschich. Je me souviens de la quantité impressionnante de bandes dessinées de François Laliberté, mais je ne me souviens pas de lui. Je me souviens de parties de soccer jouées avec une balle de tennis imbibée d’essence à laquelle on avait mis le feu. Je me souviens de la première fois où j’ai vue la photo de la petite vietnamienne brûlée au napalm. Je me souviens d’Hiroshima, d’Auschwitz et de Bhopal. Je me souviens de l’Homme de six millions de dollars, de Jinny, des Joyeux naufragés, de Three’s Company, d’Happy Days, d’Hawaï 50 et de Chips. Je me souviens du goût des premières Chips Hostes. Je me souviens de mes deux chiens : Jibi et Nia. Je me souviens des biscuits et des sandwiches de Madame Laberge. Je me souviens des télécommandes pour la télé qui avaient un fil. Je me souviens de la Soirée du Hockey. Je me souviens avoir lu tous les Astérix et les Tintin en une fin de semaine. Je me souviens que j’aimais bien Rastapopoulos. Je me souviens avoir fortement désiré qu’Izogoud devienne Calife à la place du Calife. Je me souviens avoir pleuré parce que le coyote n’attrapait jamais le Road Runner. Je me souviens de fausse peau faite avec de la colle blanche sur les doigts. Je me souviens du goût des gommes à effacer Steadler. Je me souviens des boites de petits gâteaux blancs avec du crémage en trois saveurs. Je me souviens de tous les mongols que j’ai croisés dans ma vie, mais pas de tous les gens stupides. Je me souviens des immenses clubs sandwiches du Truc. Je me souviens qu’à l’école primaire j’étais le quatrième à la course après Martin Ernst, Annick Willemot et Luc Gaboury. Je me souviens de rosa, rosa, rosam, rosae, rosae, rosa; rosae, rosae, rosas, rosarum, rosis, rosis. Je me souviens d’un examen de chimie où j’avais copié les réponses de mon voisin qui n’avait pas les mêmes questions que moi. Je me souviens des soirées chez mon frère où nous écoutions des films d’horreur toute la nuit. Je me souviens du goût des glaçons que je suçais en hiver. Je me souviens que je n’ai jamais voulu faire « l’ange dans la neige ». Je me souviens des bottes « lunaires ». Je me souviens que je n’étais jamais capable de faire entrer mon K-Way dans sa poche. Je me souviens d’un temps où je ne me questionnais jamais sur le sens de la vie. Toi, t’en souviens-tu ?

1 commentaire:

  1. Je me souviens de toi Guy quand nous allions à l'école primaire de Marie-Victorin et St-Yves avec bien des gens que j'aimerais revoir. Au plaisir de se parler.

    Luc Gaboury

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