lundi 14 novembre 2005

Pourquoi faire un blogue ?

Pourquoi faire un blog ? La question se pose et doit — ou devrait — se poser. C’est mon ami Guillaume qui m’a suggéré de me lancer dans cette aventure aux frontières de l’écriture et de l’internet. Je mentirais en affirmant n’y avoir jamais pensé moi-même. Comment, quand on circule quotidiennement sur le web et qu’on voyage au pays des opinions, de la plus clichée à la plus subtile, en passant par la pire, comment, dis-je, ne pas avoir envie de délimiter à son tour l’espace de sa réflexion et de partager ses découvertes ? J’ai eu envie, il y a quelque temps, de faire mon blog. Mais quelque chose m’a retenu, qui n’a rien à voir avec la pudeur. Je ne suis pas pudique et ceux qui me connaissent savent que je n’ai jamais eu peur de mes opinions. Cet empêchement relevait plutôt d’un certain malaise à embarquer dans une galère qui la plupart du temps prend l’eau, quand elle ne coule pas carrément à pic. Je m’explique. Des blogs, il y en a déjà des milliers, voire des millions. Et il suffit de naviguer un peu pour réaliser combien se reflète là encore plus qu’ailleurs l’inconstance du Web : en général, le Web est un outil fantastique qui, sans être l’achèvement de l’égalité mondiale que suggèrent les disciples gauchistes à la mode, permet une circulation des idées phénoménale qui dépasse de loin l’avènement de l’écriture et sans doute même de l’imprimerie. Néanmoins, cette liberté d’expression comporte, comme toute liberté, son lot d’inconvénients. Il faut chercher longtemps et avec minutie avant de trouver quelque chose de consistant à se mettre sous la dent. Dans les blogs, cette inégalité virtuelle semble se condenser pathétiquement. La valeur des idées véhiculées est on ne peut plus aléatoire. De « vérités » datant de l’an Mil aux aléas anecdotiques de solitaires ou de philanthropes universels qui croient sincèrement que cela peut intéresser quelqu’un de savoir le nom de leur chat ou de voir la photo de leur dernier VUS, les blogs nous plongent la plupart du temps non pas dans des réflexions ou des cheminements, ni même dans un certain plaisir de lire, mais bien dans l’étalement gauche et redondant des aléas quotidiens de monsieur Tout-le-monde, où les crampes digestives, les envolées pseudolyriques sur le poupon à venir, les imprévus du bureau — t’aurais-dû-voir-la-face-du-boss —, les opinions bien apprises au téléjournal se côtoient dans un maelström qui devient vite indigeste. J’entends déjà les réponses ronflantes des tenants de la liberté qui diront que je ne suis pas obligé de lire. « Ils n’ont qu’à changer de poste », on connaît la chanson… Encore heureux ! Mais s’ils ont le droit (c’est un privilège, mais ils ne semblent pas le savoir) d’écrire n’importe quoi — et ils en ont heureusement le droit — qu’on me laisse celui de dire que non seulement beaucoup de ces blogs n’ont aucune valeur littéraire, informative ou divertissante, mais qu’en plus ils ne sont d’intérêt pour absolument personne sauf celui-là même qui le produit. Cela s’appelle un journal intime; c’est très bien et moins cher qu’un chien ou un psychanalyste, mais il faut un peu de je ne sais quoi pour diffuser cela sur Internet. Deuxièmement, la qualité formelle de ces blogs est la plupart du temps assez ordinaire : fautes d’orthographe, syntaxe d’école primaire et approximations grammaticales dévoilent tristement la faiblesse de l'école secondaire qui a failli à une de ses tâches premières qui est de permettre à ses diplômés d’exprimer leur pensée. Et je ne parle pas du Cégep et de l'université ! Que de bacheliers qui écrivent encore au son ! Combien de MBA qui font une faute tous les trois mots ! Que de bloggers qui ne savent pas écrire...! Et, le pire, c’est qu’ils croient améliorer leur langue natale en se pratiquant dans leur blog, quand ils ne s’en foutent pas carrément. J’ai de mauvaises nouvelles pour eux : on n’apprend malheureusement pas à écrire en écrivant, ou si peu. C’est par la lecture qu’on apprend à écrire, à s’exprimer et à formuler des pensées qui ne sont pas que du charabia, et ceux qui disent le contraire sont des menteurs qui veulent garder pour eux cette force précieuse ou faire de l’argent sur la naïveté de leurs semblables (ils existent des cours pour être romancier à succès !!!). « J’ai le droit de m’exprimer… » Bien sûr, et personne ne veut leur enlever ce droit et je serais le premier à me battre si tel était le cas; mais cela soulève tout de même quelques questions : leur indigence ne les empêche-t-elle pas de se faire comprendre ? N’ont-ils pas quelque rancœur d’avoir passé tout ce temps à user leur fond de culotte à l’école pour finir si faibles dans l’expression de leur langue natale, voire, dans certains cas pas aussi rares qu’on pourrait le croire, quasi analphabètes ? Quand j’ai exprimé à Guillaume toutes ces réticences, il m’a dit en souriant que ces idées feraient un bon blog ! Il a peut-être raison. Je me lance donc dans l’aventure avec engouement. Ma plume sera tour à tour épée, bazooka, baume, lanterne et souvent boussole pour moi-même. Je tenterai d’offrir une pensée en mouvement, des opinions rarement modérées, et aussi sans doute, sans le vouloir délibérément, des faussetés évidentes. Si un me lit, ce sera bien. Si j’en brasse deux, ce sera mieux. Si j’en choque trois, hé bien ma foi, cela me montrera qu’il y en a quelques-uns qui me lisent. Enfin, s'il s'en trouve qui tirent simplement quelque plaisir à me lire, ce sera bien, vraiment bien. Je commettrai aussi quelques photos que je crois intéressantes et me permettrai de faire des suggestions de lecture à ceux qui cherchent quelque substance qui n’a rien à voir avec Le Code Da Vinci. Le blog étant par définition un concept évolutif, il est probable que le mien n’y fasse pas exception et qu’il se transforme avec le temps. On verra bien.

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