mardi 15 novembre 2005

Une école sans religion

Il semble bien que l’on aura encore à attendre quelques années pour voir l’école québécoise enfin libérée de l’enseignement religieux. En effet, la clause qui permet de déroger à la Charte canadienne des droits prévoyant le droit à l'égalité et la liberté de religion est arrivée à échéance le 30 juin dernier et le Gouvernement a choisi de la renouveler pour quelques années. Je m’étonne chaque jour de voir encore des simplificateurs trempés d’eau bénite, des aboyeurs de morale rose bonbon qui sent, quand on la respire bien à fond, l’inquisition et l’anathème, dissimulant ses sombres tares là où ont presque toujours surgi l’allégeance aveugle et la domestication décrétée. Il faut croire que 2000 ans d’obédience n’ont pas suffi pour annihiler ces tenaces propos de potentats et qu’on continuera encore longtemps à braire devant tous ces bergers qui clament depuis des siècles de les suivre pour trouver la paix, quand bien même il faudrait bâillonner et menacer pour ce faire. Ils auront beau menacer moralement et physiquement qui ils voudront, un esprit bien fait continuera de croire que la prière et la foi n’ont rien à voir avec l’école et que la première liberté qui va de soi et de croire en ce que l’on veut (ou peut) et non pas en cette religiosité qui a la main mise sur l’esprit de nos enfants par l’entremise de l’enseignement religieux à l’école. Les défenseurs de la religion à l’école suggèrent que nous sommes en train de risquer de perdre une saine religiosité en cherchant à sortir de l’école un enseignement religieux qui prône de belles valeurs, telles que « tu ne tueras point, tu ne voleras point, et aime ton prochain comme toi-même ». Ça arrache presque des remords… Non, mais ! Leur religion sacrée dit aussi ceci : - « Au milieu de la nuit, le Seigneur fit mourir tous les premiers-nés d’Égypte, aussi bien le fils aîné du Pharaon, roi d’Égypte, que le fils aîné du captif enfermé dans la prison, et que les premiers-nés du bétail » (Exode 12, 29); - « Celui qui frappe son père ou sa mère doit être mis à mort. Celui qui enlève une personne doit être mis à mort, qu’il ait vendu sa victime ou qu’on la trouve encore chez lui. Celui qui maudit son père ou sa mère doit être mis à mort » (Exode 21,15-17); - « Si un homme saisit un bâton et bat à mort son serviteur ou sa servante, il doit être puni. Toutefois, si la victime survit un jour ou deux, il ne doit pas être puni, car elle était sa propriété » (Exode 21, 20-21); - « […] vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, coup pour coup » (Exode 21, 23-25); - « Celui qui offre des sacrifices à des dieux étrangers au lieu d’en offrir seulement au Seigneur doit être exécuté » (Exode 22, 19); - « Il [Moïse] leur dit : “Voici ce qu’ordonne le Seigneur, Dieu d’Israël : Que chacun de vous prenne son épée; passez et repassez d’un bout à l’autre du camp et tuez vos frères, vos amis, vos voisins”. Les Lévites obéirent à Moïse, si bien que trois mille Israélites environ moururent ce jour-là » (Exode 31, 25-28); - « Si une femme accouche d’un garçon, elle est impure pendant sept jours, comme lorsqu’elle a ses règles » (Lévitique 12, 2); Et on pourrait en citer encore longtemps, si on ne se fatiguait pas de lire autant de nobles commandements et conseils. Les enfants n’ont pas besoin de la religion à l’école, ils ont seulement besoin de parents qui les aiment plutôt que de les traiter comme un point sur une liste d’épicerie, qui leur donnent un exemple de respect et d’humanité plutôt qu’un modèle de compétition acharnée contre les autres et de réussite sociale axée sur les possessions matérielles, et, enfin, qui sont présents et cessent de projeter sur leurs enfants tous leurs rêves manqués. Mais pourquoi se surprendre de cette insistance inflexible sur le bien fondé de l’enseignement religieux à l’école quand une société remet sur le tapis la peine de mort et pense encore que la prison est une noble façon de limiter les dégâts, « quoique trop dispendieuse ». Au lieu de prêcher le maintien de l’enseignement religieux à l’école, nous devrions nous demander si ce n’est pas parce que les adultes sont capables d’autant d’indifférence aujourd’hui face à toutes les souffrances du monde pour atteindre leurs misérables objectifs d’économie de marché que leurs enfants, fiers de ressembler à leurs parents qui ont si bien réussi dans ce monde implacable ou désireux d’être à la hauteur de tous ces petits maîtres à la renommée fameuse qui coupent dans la vie pour pousser encore un peu la barre des profits, en sont arrivés à autant de froideur face aux « bonnes vieilles valeurs chrétiennes ». On récolte souvent, c’est une certitude, ce que l’on a semé, mais il faut savoir quelles sont les graines qu’il faut éviter de mettre à nouveau en terre. À leur religion essentielle, à leurs paroles qui sentent la soutane à faire vomir, à leur belle confiance dans une Vérité toute faite divinement pour les hommes, j’oppose le respect, l’amour, la conscientisation sociale et l’éducation (pas la scolaire, qui ne fait que repasser le discours des petits maîtres, mais celle de ceux qui ne sont contraints par aucune demande d’endoctrinement social). De grâce, ne retombons pas dans la poussière sanglante de l’Église, souhaitons-nous plutôt un monde meilleur, sans religion imposée, sans vérité absolue, sans solution parfaite; mais un monde où on n’acceptera jamais qu’un enfant meure par intérêt étatique, un monde où chaque vie humaine aura son importance, un monde libre où il ne sera pas interdit de penser différemment et de devenir ce que nous sommes vraiment.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire